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Samedi (07/05/05)
La petite maison loin de Philadelphie.
--> Sorte d'improvisation, d'expérience formelle, à revoir et à suivre ?


  Après cela, je me sentais mal à l’aise. Pas particulièrement gêné mais sensiblement troublé. Par-dessus l’épaule de mon hôte, le petit écran de la fenêtre attirait mon regard comme quelque papillon de nuit kamikaze.Vous reprendrez un biscuit Monsieur et puis ma femme   Là-bas le soir tardait. ne devrait plus tarder   Sa femme, c’était donc elle. Cette silhouette entrevue, découpée dans la lumière d’un jour à l’agonie.     Allez-y au contraire ils sont là pour ça    Vous venez donc de  Je savais qu’elle entrerait d’un instant à l’autre. Philadelphie  Dieu, qu’allais-je lui dire ? « Bonsoir, Madame Patters, enchanté » ?    C’est une belle ville Oh oui, je viens de Philadelphie, mais pas des quartiers que tu connais, mon ami. Philadelphie m’étouffe. Philadelphie me tue. Ce pas sur le gravier… ma foi je me souviens    C’est-à-dire que  Elle est là, proche. Devinera-t-elle ?  cela me rappelle ma jeunesse  Jeunesse…quel âge peut-il porter sur ses épaules, ce petit homme sûr de lui ? Quel âge aura-t-elle, cette forme imprévue, ce désir ?    Oh des souvenirs sans importance Monsieur mais dites-moi voit-on toujours la mer du Plaza  Elle est à la porte, elle cherche sa clef. On ne voit plus la mer du Plaza, on a plombé l’horizon, on perd la raison. Je pourrais entendre son souffle s’il se taisait seulement…    Oui c’est un scandale vous savez mon père avait son bureau  La porte. La porte s’ouvre doucement. Je vais défaillir.  là-bas s’il voyait ce qu’ils en ont fait Oh mais voyez qui arrive.  Il s’est tu, elle entre. Avec elle, les derniers accords du jour, sa lumière finissante, son parfum de lilas, sa poussière en suspension, son courant d’air. Sa légèreté qui n’en finit pas de m’assommer. Monsieur    Ma femme    Claire je te présente Monsieur Henlop  David Henlop, Madame Patters, enchanté. Je me détestais, je détestais mon sourire qui ne trahissait pas le moindre émoi, je détestais mon port droit d’aristocrate, je détestais ma poignée de main franche, je détestais toute mon éducation, toute ma vie, toute ma conscience  Assieds-toi avec nous ma chérie   qui m’empêchaient de lui dire mon amour pour sa silhouette à contre-jour par la fenêtre, je détestais Monsieur Patters. J’aurais voulu la détester, elle, pour sa fausseté convenue. Pour son ton mondain lorsqu’elle disait combien elle aimait cette maison de campagne mais qu’on s’y sentait parfois bien seul. Pour sa jolie coiffure et son collier d’or fin.

J’espère que vous vous plairez ch Trop tard, Monsieur Patters. ez  nous On avait épinglé le papillon dans la vitrine.



 

Déposé par dyangel, à 19:06 dans la rubrique Prose.
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Mercredi (04/05/05)
Aquarelle.

  Tu dis que le soir est rouge et tu te tais. Nous marchons en silence puisqu'on entend à peine nos pas sur le tapis de feuilles sèches. Un petit vent froid s'est levé de l'Est et balaye la plaine qui tremble près de nous, secouée de vagues jaunes. Les couleurs de la nuit ne semblent pas venir et tout est si pur ! Le ciel sang, l'herbe gorgée de soleil, les feuilles bleues... nous marchons comme dans une aquarelle.

Les traits du dessin sont simples et courbes, féminins. Plus j'avance et plus je plonge dans cet univers de l'immédiat : au loin, les arbres sont autant de traits noirs ; tes cheveux une cascade sombre ; on ne cherche rien, on n'attend rien, on sait. Il fait clair encore mais une étoile traverse le ciel et l'étoile est un sourire, ton sourire qui m'appelle doucement. Je m'élève jusqu'à toi.

  Là nous faisons l'amour en plein ciel, c'est à dire que nous faisons Soleil nos deux corps et n'existons plus un instant, pour qu'enfin nous sachions combien la nuit est belle en plein jour.
Puis nous continuons à marcher. Tu m'as donné ta main en me demandant de ne jamais la perdre et je serre ce diamant dans ma paume pour le réchauffer. Je sais que je pourrai le tailler pour t'en faire une bague, à force de promesses. Alors, portant notre union à ton cou, sur ta gorge blanche, tu t'en iras sereine.  

- Comprends-moi ; c'est impossible.

  Impossible ? Le mot s'envolait, papillons éparpillés dans l'air cristallin. Il se mit à pleuvoir. Aucun nuage, aucune pluie, rien ne l'indiquait,

  sauf peut-être ces ondes concentriques dans l'eau blanche d'un lac changeant
 
sauf peut-être cette larme sur ta joue pâle.





Déposé par dyangel, à 17:25 dans la rubrique Prose.
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Samedi (30/04/05)
Maudites tropiques.
--> quand la prose retrouve soudain tout mon intérêt...




« C’est un moustique, Jack. »

Comme si je pouvais l’ignorer. J’avais vécu vingt ans sous l’équateur et cet imbécile insistait encore.
« Rien qu’un foutu moustique, oublie ça. »

Parfois les jours sont longs ; celui-ci était interminable. Je regardai ma montre, excédé. Une, deux. La montre était arrêtée, donc le temps n’existait plus. Alors le soleil restait suspendu là-bas, gorgé de tout le sang du monde, frôlant l’horizon… ivre. Pourtant l’autre parlait toujours.

« Ecoute, c’est simple. Deux distiques, des rimes suivies, je sais que tu peux en venir à bout. »

Il se servit encore du rhum. Le goulot de la carafe tremblait contre le tranchant de son verre et je sentais les résonances du cristal, aigues, envahir mes pensées. Arrête ça, tentai-je d’articuler ; mais je restai muet – à quoi bon ?

« Tu as l’air crevé, Jack. Tu sues comme un porc. »
                                                                                  
« Comme un porc, Jack. »

« Jack, regarde-moi bien. »

« Ici, Jack, laisse ce soleil où il est. »
                                                          « Il fait chaud, hein, Jack ? »
                                 
« Regarde-moi, Jack, regarde-moi bien. »
                                                                                                          

« Là, Jack. Tu as l’air crevé. Tu sues comme un porc. »  

Je le regardai. Ses petits yeux me fixaient comme deux rayons pourpres. Il y avait sur ses lèvres une trace de sucre, humide. Une braise luisait entre ses dents jaunies.

Dégoûté, j’écrasai ma cigarette sur la table.

« Tu ne supportes plus le tabac ? » Ironique. Une vague de haine faillit m’emporter dans son rouleau d’écume et je lorgnai vers le pistolet qui faisait comme une tache noire au coin de la table, il suffisait d’un geste. Un geste pour le faire taire enfin.

« C’est ça. Flingue-moi, Jack. »

Il prend une longue gorgée de rhum. A la carafe.

« Flingue-moi. »

Ma main tremblait, l’arme était lourde. La poudre enflammée mordit ma peau lorsque j’appuyai sur la détente.

Pan.

Je te donnerai du Jack
Pan.

Ah c’est un moustique 
Pan.

Le soleil est rouge tu as trop bu
Pan.

J’ t’ai flingué
Clic, clic.

Il avait son compte. Au sol, des bris de glace. Ses yeux ne me fixaient plus. Je regardai la carafe de rhum, sur la table, et me servis un dernier verre.

« Là, Jack. Tu as l’air crevé. Tu sues comme un porc. »

Je froissai alors la feuille à demi-vierge. Ce poème attendrait.

Maudites tropiques.


Déposé par dyangel, à 21:54 dans la rubrique Prose.
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Mardi (26/04/05)
Incipit.
--> une grande fierté personnelle, ce texte, même si cela fait très prétentieux...

  Un autre commencement, c'est tout ce qu'il demandait. Quelque chose d'un peu original, d'un peu touchant - quelque chose de différent. Ca l'obsédait, ce nouveau début. Petite révolution de l'âme sans conséquences, apparemment, apparemment parce qu'après tout nous ne sommes que commencement. Hasards.

  Chaque seconde est un départ. Il en demandait un autre et se débattait avec lui-même pour créer du neuf. Ne vous moquez pas de lui : il essayait vraiment - ce n'est pas facile de se recommencer tout entier, tout d'un coup, tout seul.

  Alors il se fit violence et s'obligea à voir les choses différemment. Il avait lu quelque part qu'on était ce que l'on percevait, ou peut-être l'inverse : il voulait donc se changer de l'extérieur en quelque sorte, vous comprenez ? Il se fit un peu poète en lisant énormément ; et lorsqu'il trouvait une image qui le surprenait, il tentait de la reconnaître empiriquement par une longue observation du monde. Effectivement, il parvint ainsi à se surprendre lui-même - oh, cela n'arriva qu'une ou deux fois, bien faiblement, mais si ténues que furent ses impressions, il sentit qu'il touchait là quelque chose d'essentiel dans sa quête de renaissance   
  Pourtant ce n'était pas suffisant. Alors il se fit un peu rêveur et voulut transformer le monde lui-même pour s'affranchir de ses lectures et se forger un nouveau regard. C'est alors qu'il se heurta à ses premières difficultés, en apparence insurmontables. Il avait en effet tant lu et tant appris qu'il appliquait inconsciemment ses connaissances aux objets de son entourage ; si bien qu'il fit une étude presque encyclopédique du monde en classant chacun des nouveaux éléments dans des catégories préconçues par d'autres. Il ne fut pas longtemps dupe de ses erreurs et, mentalement, posa l'interdiction absolue de ce qu'il appelait "intériorisme sauvage".

  Ce faisant, il donnait pourtant libre cours à un mal encore inconnu, bien plus dommageable et contagieux que tous les intériorismes de la pensée : le vide. Ce que les écrivaillons nomment pompeusement "syndrome de la page blanche" ; disons plus simplement SPB. Le SPB fut à l'origine de nombreuses insomnies, de migraines ravageuses, d'interminables heures d'expectative, bref, le porta au bord de la crise de nerfs. Notre héros semblait bien mal en point et, pour tout dire, il fut sur le point de renoncer à ses exigences novatrices. Il allait décider de s'appeler Charles Télard, 31 ans, fonctionnaire de son état, aux cheveux grisonnants comme ceux d'un Hercule Poirot ; lorsqu'un sursaut de dignité le transperça de part en part : quoi ! lui, si fier, si lettré, si original dans tout ce qu'il entreprenait, lui allait se contenter d'un conformisme rassurant au coeur même de son identité ? Plutôt succomber du SPB !

  C'est de cette sorte d'électrisation que jaillit la réponse à toutes ses interrogations. Son originalité, il l'avait ! Cette quête étrange qui l'occupait depuis de nombreux mois le posait d'ores et déjà comme un explorateur inédit, comme un aventurier, comme un précurseur... Dès lors, disparu le SPB. Disparus les intériorismes sauvages ! Il explosait soudain de nouveauté, enfin il se sentait un autre, un être du devenir ; et déjà il ne songeait plus à regarder vers l'arrière. Afin de concrétiser cette Renaissance, il s'écrivit. Incipit.

  Son nom inscrit là, sur cette page, son nom d'encre noire en caractères penchés, le ravit un instant, un long instant, juste le temps d'un départ...

...et puis...

  

                                  ...il fallut trouver un autre commencement.



Déposé par dyangel, à 19:07 dans la rubrique Prose.
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Lundi (25/04/05)
Coup de théâtre.

I.

  "Difficile à dire."

  Toujours un commencement, une première Vénus du soir et là, sur cette scène obscure, une forme penchée comme la mort sur un enfant malade. On retenait son souffle.

  "Difficile à dire."

  Et tous les soirs les mêmes mots, prononcés doucement, chuchotés sans doute dans l'unique micro dressé au centre de l'estrade, comme une provocation, une injure à la vraisemblance. La même apparition chaque soir, orchestrée sans surprises par quelque metteur en scène médiocre.
  Le décor vain. Les costumes décalés. Le ton faux. Les mouvements biaisés. Le texte lu. Le rythme, froid.

  Petit théâtre de banlieue : tous les soirs, dit la vieille affiche collée sur un mur d'enceinte bigarré - Michel aime Sophie, Dratbetj en force, on vous mens -, tous les soirs entre le 16 et le 30 avril, venez voir Le Naufrage de Cléo monté par M. Dietish ( ou Dietrish ) avec Martin Dali dans le rôle de Cléo et Sarah Beaumont dans le rôle de l'Oracle. Des acteurs talentueux, un scénario tragique pour seulement 10 euros la scéance. C'est jusqu'au 30 avril, à 20 heures, théâtre des Trois Chemins. En fond, on voit Cléo, empereur de terres lointaines, majestueusement drapé dans une toge pourpre.
  Et si l'on marche aujourd'hui dans la rue des Trois Chemins qui fait l'angle du boulevard Beaumarchais, et si l'on passe devant ce mur d'enceinte toujours debout - on vous mens -, on verra peut-être encore l'affiche, jaunie, ternie, écornée sans doute. Le théâtre, lui, est fermé depuis le 1er mai 2005. Un lilas rose fait un peu d'ombre dans le square public et ses fleurs odorantes plantent le décor.

II.

  La pièce est un échec. Une trentaine d'âmes désoeuvrées assistent à la première. Et chaque soir, un peu moins. Cléo est un empereur faible, un pantin. Il est fou parfois sans oser sa folie jusqu'au bout et cela l'use, le tue. Le pouvoir glisse entre ses mains trop grosses comme un filet de sable. Martin Dali est mauvais acteur. Il déclame en posant comme un Hercule et s'enferme dans le vers, maladif, quand son regard trahit toute l'incompréhension qui l'habite. La tension cède au ridicule mais personne n'en rit jamais.  
  Cléo souffre de visions terribles. Assailli pendant son sommeil, il se dresse soudain, simulant la sueur :

  Un feu me dévore qui ne connaît de cesse,
  Hélas, je vois la mort qu'accompagne l'inceste !
 

  C'est pourquoi il fait appel à l'Oracle. Alors elle apparaît au sortir des coulisses, projetée sur l'estrade comme à contre-coeur, trouble, hésitante. Elle fait un pas, se fige, se contorsionne étrangement. Elle fait mine de s'enfuir mais avance encore. Et finalement, en réponse à Cléo qui l'interpelle d'un coin sombre, agenouillé dans la poussière, elle se jette toute entière dans une phrase brève :

  "Difficile à dire."

  Elle est vêtue d'un voile blanc intemporel. Sur la scène mal éclairée elle se tient droite, mal à l'aise. Elle n'a plus rien à dire mais elle doit entendre la longue tirade de Cléo qui se complaît dans son désespoir. On ne regarde qu'elle et la pièce est un chef d'oeuvre. On se souvient des mots, les seuls que l'on retiendra finalement quand tout sera fini, et l'on comprend qu'ils imprègnent le monde comme ils imprègnent la femme. L'Oracle. Un corps maladroit replié sur lui-même, une voix presque tremblante, éplorée, une âme désertée des Dieux. L'Oracle, incarnation de l'ironie du Sort. Et sa moue un peu grasse lorsqu'elle prononce la phrase !

III.

  Le soir de l'ultime représentation, vingt heures. Cléo s'adresse à quelques passants réfugiés: il pleut, dehors, cette pluie sale d'avril.

  Un feu me dévore qui ne connaît de cesse,
  Hélas, je vois la mort qu'accompagne l'inceste !
 

  L'empereur s'agenouille encore une fois, on fait entrer l'Oracle. Sarah s'avance et tremble moins.

  On entend l'averse sur les lucarnes. Il manquait encore une telle musique, ce soir tout est parfait. Un homme, dans la salle, verse une larme. Maintenant il se lève lentement, maintenant il s'avance avec elle, vers elle, on murmure. Il monte sur la scène et lui fait face, comme elle est pâle dans ce voile funèbre et comme ses lèvres sont rouges. Cléo se redresse, interloqué, mais il le tue d'une seule balle. Personne n'en rit, personne ne crie - le silence est pesant.




  Il la regarde, il l'embrasse des yeux, il lève à nouveau son arme et la tue, elle s'écroule. Pourquoi ?

  Difficile à dire.

Déposé par dyangel, à 16:12 dans la rubrique Prose.
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Lundi (27/12/04)
Décadence.

  Le Soleil nouveau-né chasse les ombres de ma chambre. J'entends vaguement la radio qui grésille dans l'appartement voisin, et même une sirène hurlant un court instant de la rue. Oh, mais je ne bouge pas. Pas un muscle. Affalé sur mon lit, le plafond pour seul horizon, j'attends quelque chose qui, visiblement, ne vient pas.
  Cette chambre, je la connais par coeur. Il me suffirait de tourner la tête pour voir, dans le coin poussiéreux, les sous-vêtements noirs qu'elle n'a pas pris la peine de remporter ; et la psyché aux reflets qui dérangent. Sur le sol, des mégots de cigarette froissés et des cendres froides : tout mon paquet a dû y passer. Quant aux bouteilles vides, il y en a sur la table de chevet et au pied du lit.

  Mal de crâne. Je voudrais grimacer et passer une main sur mon visage, mais en fait ça n'en vaut pas la peine. Le pire, c'est peut-être que, malgré l'alcool, je me souviens de tout. D'abord de ce jour grisâtre noyé   dans le crachin, et puis du regard de cette fille sur le trottoir sale...
  Dieu, je me sens lourd. J'essaye de cligner des yeux pour échapper à un rayon de Soleil renvoyé par le miroir, avant d'abandonner la lutte. Lumières qui éblouissent, boite de nuit, corps qui se frôlent et lèvres qui glissent ; le jeu recommence encore et encore sous mon front douloureux, un jeu truqué d'avance où les billets font office de dés pipés.

  Décadence, tendre décadence qui l'espace d'une nuit transforme les rêves en désirs et le sang en sueur. Si seulement je pouvais regretter, tourner la tête. Sous-vêtements noirs dans le coin, le regard de cette fille comme un aimant ; si seulement j'oubliais...
  Ca pue l'alcool, la cendre et le sexe. Le jeu qui recommence encore une fois pour me rappeler son regard, sur le trottoir.
  Et ses sous-vêtements noirs dans le coin poussiéreux, que personne n'a pris la peine de ramasser.

Déposé par dyangel, à 14:03 dans la rubrique Prose.
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Samedi (25/12/04)
Exégèse.
--> Ca me rongera toujours...

   Bien sûr, elle n’est pas si noire, cette nuit. D’autres l’ont été, d’autres seront plus épaisses encore, d’autres lui ressembleront. D’ailleurs, elle est aussi blanche. Clair-obscur. Une nuit noire et blanche. Et au petit matin, les doigts fatigués sur le clavier qui bougent, on ne sait trop pourquoi, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Instinct de survie, je suppose.

  La première qualité de l’homme : son instinct de survie. La deuxième, sa facilité d’adaptation. La dernière : le goût du risque. Dieu, quel regard ! Qu’il soit une grenouille, un poisson rouge, un vieillard grisonnant ou le vide, l’absence, je sens tout le poids d’un flux surnaturel peser sur moi, tout à fait comme si Ses deux yeux m’observaient, immobiles, fixes, indéterminés.

  Assez de rythmes ternaires. Assez de métaphores. Ca doit être efficace à moindre frais, ça doit aller droit au cœur des choses sans détour, n’est-ce pas ? Assez de Dieu également, laissons-le là où il n’est pas et faisons mine de ne pas le voir là où il est – peut-être.

 

  « Ca me rongera toujours. »

 

  Superbe. Direct, égratignant, sincère, mais pas trop assuré parce qu’il y a ce « toujours » qui semble un peu hésitant. Le « ça » est particulièrement réussi. Tout l’inconnu qu’il dissimule, toute l’angoisse qu’il laisse affleurer dans le blanc du creux du C, et en tête de phrase, c’est bien de « ça » qu’il s’agit, lecteur, destinateur, c’est de « ça » !

  On peut passer sur l’allitération en [r], [j], c’est un procédé quelque peu subversif qui garde tout de même son efficacité presque mécanique, ça travaille sous la gorge… Mais il faut s’étonner, il faut buter sur une telle affirmation.

  D’abord, pas d’autre ponctuation que le point. L’émotion n’est pas lésée, au contraire : de colère, elle devient amertume ; de rage elle vire au cynisme, et le rouge vif des mots semble, par ce point final, s’affadir sur la langue. Dégoût.

  Ensuite, les guillemets…qui ne sont pas innocents non plus, ces guillemets, puisque sans eux la phrase n’a pas de raison d’être. Ouvrir, blanc, mot, blanc, mot, blancs, blanc, fermer. Les guillemets qui enferment l’affirmation ! « Ca » en devient étouffant, c’est de l’air vicié, du poison incolore…

  Enfin, si l’on passe rapidement sur l’emploi du futur que tous pourront apprécier à sa juste valeur, une dernière observation s’impose. Qu’est-ce qui est central dans cette phrase ? Quatre mots, apparemment, oublions la ponctuation. Quatre mots, donc pas de position centrale. Mais prêtons à l’auteur un goût développé pour la poésie et la versification, voulez-vous ? Sept syllabes… sept pieds. Ce qui est central dans cette phrase, c’est effectivement le « ge », c’est-à-dire le Je.

 

  C’est un cri du corps et de l’âme, un cri du moi qui se révulse. C’est mon cri…

 

  Ca me rongera toujours.

   

     

 

 

Déposé par dyangel, à 11:56 dans la rubrique Prose.
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Samedi (11/12/04)
Chapitre 2.

Tu dis entre, je t’attendais.

Elle dit merci.

Tu lui demandes de te laisser prendre son manteau, mais elle répond que ce n’est pas la peine, elle va l’accrocher à une chaise.

Elle dit qu’il fait bon chez toi quand il fait si froid dehors.

Puis elle se tait.

   Tu la regardes un peu, en coin, pendant qu’elle fait chauffer de l’eau. Thé ou café ? Café, mais alors avec du sucre, parce qu’il est très noir. Et soudain, tu ne sais trop pourquoi, tu penses à Hemingway. Au Soleil qui se lève aussi, à un vieil homme perdu en mer, à l’alcool qui brûle peut-être moins que ce café et aux combats de boxe, le goût amer du sang qui se dilue dans la salive. Tu te dis que tu voudrais bien être un personnage d’Hemingway, juste pour savoir ce que ça fait, d’être un personnage d’Hemingway.

Tu lui demandes ce qu’elle pense d’Hemingway.

Elle dit pourquoi ?

Tu réponds que tu voudrais être un personnage d’un roman ou d’une nouvelle d’Hemingway, voire même d’une de ses lettres.

   Alors elle te regarde à son tour comme pour la première fois, mais son regard est différent de celui de la première fois, c’est un regard biaisé parce qu’évidemment, elle te connaît bien désormais et elle ne peut l’oublier. Pourtant c’est tout de même un regard auquel tu veux t’accrocher. C’est en quelque sorte un début à la fin, une ouverture. Peut-être qu’en insistant, ça serait encore mieux.

Tu demandes encore ce qu’elle pense d’Hemingway.
Elle dit qu’elle ne sait pas, que tu as parfois des idées bizarres.
Tu dis sans doute.
Elle dit que ton café sera prêt bientôt.

   Tu ne réponds rien, mais tu penses que c’est quelque chose qui ferait envie à n’importe quel personnage d’Hemingway, ce café. Et quand, toujours en silence, elle te tend la tasse de porcelaine blanche, tu lui souris - elle sourit de même. De toute façon, tu n’as jamais aimé les matchs de boxe.  

 

                                                                 ***

Déposé par dyangel, à 12:53 dans la rubrique Prose.
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Vendredi (10/12/04)
Le temps des feuilles mortes.

  Ah, c'était le temps des feuilles mortes, quand on s'allongeait dans l'herbe en riant et puis, fixant les nuages, quand on se laissait caresser par le vent d'ouest un peu froid. Ca nous faisait les joues rouges et les doigts engourdis, mélangés, on chuchotait comme si quelque rongeur pouvait nous surprendre. C'était la bonne odeur du foin qu'on foulait aux pieds en marchant à travers champs, vers un horizon que, bien sûr, on ne voyait pas. C'est qu'il y avait du brouillard ces jours-là, accroché aux buissons les plus touffus.

  Et on tentait d'avancer droit, tous les deux fermant les yeux, elle appuyée sur mon épaule, ma main autour de sa taille fine, toujours pouffant de gaieté, de liberté, d'insouciance. On n'était pourtant plus si jeunes, c'était le temps des romances, des bars et des capotes, elle me parlait d'un grand brun et d'un cinéma, je tenais toujours sa main et cueillais une fleur pour ses cheveux, elle riait encore ; j'évoquais la fille du deuxième étage et son sourire blanc, elle se moquait de moi, je la menaçais, elle se levait, m'échappait d'un bond, courait devant elle jusqu'à sentir mon souffle dans son cou, mais se laissait tomber dans les couleurs sauvages, épanouie comme l'une d'elles, fraîche, éternelle...

  C'était le temps des soirées sur la terrasse qui se prolongeaient jusqu'au matin, parce qu'un peu trop d'alcool, alors on parlait de ces voyages qu'on ferait aux Indes, non, en Afrique, bien au Sud, pour voir de quelle couleur serait la mer là-bas. On faisait brûler des bougies sur la table et l'un en face de l'autre on se fixait dans la flamme, ses pupilles dansaient, fauves, elle disait que je ressemblais à un ange. Et je soufflais la petite lueur pour l'entendre protester, et pour qu'elle m'envoie ce coup de pied sous la table, doucement, avant de craquer une énième allumette.
  Quand la cire fondait à nouveau, on prenait chacun une cigarette dans le paquet du vieil homme qui nous hébergeait et on se penchait tous deux, elle retenant ses cheveux d'une main, jusqu'à ce que la fumée monte dans nos gorges, mais on toussait alors et on laissait le tabac petit à petit brûler dans une assiette blanche, je disais que ça éloignait les moustiques et elle riait encore parce qu'il n'y a pas de moustiques en cette saison, je demandais tu es sûre, évidemment, ce que tu peux être bête, et son rire clair à la Lune.

  C'était à la fin de l'automne, quand les couleurs fuyaient en dégradé vers la terre, quand le vent arrachait leurs dernières parures aux arbres du jardin. Au matin, notre petit vieux nous trouvait endormis dans une chaise longue, fatigués de regarder les étoiles, sous une couverture de laine qui picotait le cou, mais elle disait ta joue est bien pire avec ce début de barbe, promets de ne pas te raser demain, on promettait toujours le monde, je promettais de ne pas me raser, elle souriait, et disait encore de dormir, mais l'aube venait qui nous surprenait dodelinants, ses cheveux sur mes lèvres, et je disais fais de beaux rêves, n'aies pas peur, en la berçant sans cesse.

  Quand finalement on se réveillait parce qu'il faisait décidément trop froid, et qu'on mettait le café sur le feu, et quand la vapeur montait ainsi en traînant avec elle cette délicieuse odeur de grains moulus, alors on répétait qu'il faudrait revenir, oui, il faudrait revenir l'année prochaine.

Déposé par dyangel, à 19:55 dans la rubrique Prose.
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Mardi (02/11/04)
Le bruit.
--> sommeil difficile...

  Ne pas y penser. Ne pas y penser. Ne pas y penser. Je veux dormir, marre de me retourner sans cesse dans le lit, de crever de chaud sous les draps, déjà deux heures trente-sept je vois le cadran lumineux qui clignote, je veux dormir. Pourtant je suis crevé, mal à la tête, ce serait si bon juste quelques minutes et puis peut-être que je ferais mieux d’allumer la lumière. Pour quoi faire ? Non, rester dans le noir et donc se concentrer, fermer les yeux, ne pas y penser, dormir. J’entends un bruit, ça vient de derrière ou de la pièce à côté, un bruit tout mince tout faible, mais je l’ai quand même entendu. Et si c’était lui qui venait pour se venger ? Non, c’est impossible, il n’oserait pas, pas après ce que… Ne pas y penser ! J’écoute autant que je peux, je soulève même un peu la tête de l’oreiller brûlant, ça me fait mal mais il faut que j’écoute et que je sache ce qui se passe tout près, si c’était lui ça serait terrible. Sûrement, il est revenu en profitant de l’obscurité pour passer inaperçu, c’est bien son genre, pour m’attaquer et profiter de ma faiblesse. C’est ce que j’ai dit, il a deviné ce qu’on faisait, ça doit se sentir ces choses-là, surtout qu’il connaît sa femme alors il a du remarquer qu’elle changeait ou qu’elle lui échappait, même si elle me dit toujours qu’il ne se doute de rien. Je le déteste, il est si laid avec sa beauté, et ce front trop haut, et son cou trop épais, son cou gras qu’on a envie de trancher, je l’imagine avec elle en train de, même si elle me dit toujours qu’elle s’arrange pour qu’ils ne, enfin pas aussi souvent qu’avant, avant moi, mais enfin c’est son mari donc il doit vouloir et alors elle, mais je sais qu’elle n’en a pas envie, ça compte beaucoup ça après tout, je suis le seul qu’elle aime pour ça, comme pour le reste d’ailleurs et qu’il aille au Diable, ce mari ou plutôt ce cocu, cocu, cocu, et moi l’amant comme dans les grandes histoires, le bel amant qui vient quand le mari, le co-cu n’est pas là et que la belle est toute seule et qu’elle l’attend, mal à la tête, si seulement j’avais un de ces cachets d’aspirine, ceux qui font passer la douleur comme dit la publicité et qu’on peut dormir sans peine ensuite, oui mais ils sont dans la cuisine, et pas le courage pour me lever sans compter qu’il est peut-être dans l’appartement, avec une arme, attendant dans un coin que je me lève pour le cachet d’aspirine bullant bulles, il doit être furieux s’il sait que moi je, il suffit qu’il ait trouvé une brûlure de cigarette sur les vêtements de sa femme, et il fera le rapprochement parce que tout à l’heure il m’a vu écraser mon mégot avant de me lever, pas le courage de me lever, il fait trop noir et trop chaud, on étouffe, et s’il avait monté le chauffage pour me faire délirer puisqu’il sait que je suis malade, sûrement il a l’intention d’ouvrir le gaz dans la cuisine et de me laisser étouffer là-dedans à moins qu’il ne mette le feu ensuite, odeur de brûlé, mal à la tête j’ai si mal et j’ai si chaud, ne pas y penser et dormir pour que ça passe, et s’il faut que je crève dans mon sommeil eh bien je m’en moque mais laissez-moi dormir, qu’on me laisse en paix, paix, en paix reposer comme pour toujours les yeux fermés et le souffle court, dormir inspirer expirer lentement, à fond, ne penser à rien, surtout pas à lui le mari le cocu le coq et son cou gras, la chaleur qui m’empêche de respirer, inspirer expirer encore, encore un bruit qui se rapproche, le sale bruit si fin pour ne pas qu’on l’entende, le sale bruit qu’il ne faut pas entendre mais qui s’approche, chansonnette de mort avec ses odeurs moites, poème qui endort dans le silence et me prend à la gorge… Fatigué, fatigué… ô elle, sa gorge nue et ses yeux de cristal qui crèvent l’obscurité, qui m’envoûtent… Fatigué, fatigué… Je veux dormir, dort, dort, dort le petit enfant bercé par une chansonnette, n’écoute pas les bruits et s’endort sans cesse, un bruit fort cette fois ! si fort que j’en tremble, comme un son de cuivre sur le mur, et si près ce gros bruit, ce bruit suffocant, alarmé, j’ai peur, je me dresse sur mon lit, repousse les couvertures, je vais allumer et voir ce qui se cache dans le noir, je vais… Dormir, fatigué… les paupières qui tombent… mais non, resté éveillé, il est là qui me guette, féroce et sans pitié, allumer la lumière… do-do, l’enfant do, l’enfant dormira bientôt… la fatigue, le sommeil, l’obscurité… chaud, envie de dormir… forme confuse dans le noir, tapi et sanglant, armé, dangereux, en colère contre moi, sa femme qui est mienne, il faut me défendre… l’enfant do, dormira bientôt… fatigué, le silence me berce, do, do, dormira… au chaud… heureux… en paix reposer comme pour toujours.  

Déposé par dyangel, à 20:15 dans la rubrique Prose.
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