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Maudites tropiques.
--> quand la prose retrouve soudain tout mon intérêt...




« C’est un moustique, Jack. »

Comme si je pouvais l’ignorer. J’avais vécu vingt ans sous l’équateur et cet imbécile insistait encore.
« Rien qu’un foutu moustique, oublie ça. »

Parfois les jours sont longs ; celui-ci était interminable. Je regardai ma montre, excédé. Une, deux. La montre était arrêtée, donc le temps n’existait plus. Alors le soleil restait suspendu là-bas, gorgé de tout le sang du monde, frôlant l’horizon… ivre. Pourtant l’autre parlait toujours.

« Ecoute, c’est simple. Deux distiques, des rimes suivies, je sais que tu peux en venir à bout. »

Il se servit encore du rhum. Le goulot de la carafe tremblait contre le tranchant de son verre et je sentais les résonances du cristal, aigues, envahir mes pensées. Arrête ça, tentai-je d’articuler ; mais je restai muet – à quoi bon ?

« Tu as l’air crevé, Jack. Tu sues comme un porc. »
                                                                                  
« Comme un porc, Jack. »

« Jack, regarde-moi bien. »

« Ici, Jack, laisse ce soleil où il est. »
                                                          « Il fait chaud, hein, Jack ? »
                                 
« Regarde-moi, Jack, regarde-moi bien. »
                                                                                                          

« Là, Jack. Tu as l’air crevé. Tu sues comme un porc. »  

Je le regardai. Ses petits yeux me fixaient comme deux rayons pourpres. Il y avait sur ses lèvres une trace de sucre, humide. Une braise luisait entre ses dents jaunies.

Dégoûté, j’écrasai ma cigarette sur la table.

« Tu ne supportes plus le tabac ? » Ironique. Une vague de haine faillit m’emporter dans son rouleau d’écume et je lorgnai vers le pistolet qui faisait comme une tache noire au coin de la table, il suffisait d’un geste. Un geste pour le faire taire enfin.

« C’est ça. Flingue-moi, Jack. »

Il prend une longue gorgée de rhum. A la carafe.

« Flingue-moi. »

Ma main tremblait, l’arme était lourde. La poudre enflammée mordit ma peau lorsque j’appuyai sur la détente.

Pan.

Je te donnerai du Jack
Pan.

Ah c’est un moustique 
Pan.

Le soleil est rouge tu as trop bu
Pan.

J’ t’ai flingué
Clic, clic.

Il avait son compte. Au sol, des bris de glace. Ses yeux ne me fixaient plus. Je regardai la carafe de rhum, sur la table, et me servis un dernier verre.

« Là, Jack. Tu as l’air crevé. Tu sues comme un porc. »

Je froissai alors la feuille à demi-vierge. Ce poème attendrait.

Maudites tropiques.


Déposé par dyangel, le Samedi 30 Avril 2005, 21:54 pour la rubrique Prose.

Les réactions :

Anaïs
02-05-05 à 23:47

À l'est, le soleil.

Puis-je me permettre de vous dire, et cela est loin d'être réducteur, que votre texte ressemble, non dans le style, mais dans la "morale", à cet Étranger de Camus?

Mais votre personnage a l'arrogance, la prétention qui le distingue d'un Meurseault.  En fait, je cesse cette morne comparaison, et vous dis que votre texte est admirable.

Toujours, vous nous plongez dans une intrigue de laquelle les contours sont flous, le contexte, inconnu.

Et toujours, ces métaphores délicieuses, dont celle-là, n'est-ce pas que l'on ne s'en lasse jamais: "Alors le soleil restait suspendu là-bas, gorgé de tout le sang du monde, frôlant l’horizon… ivre. Pourtant l’autre parlait toujours."

  J'aime. 


 
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