A mon père.
Un corbeau blanc soupire au creux d’un courant d’air
Un berceau vide hésite entre l’ombre et le vide
Un vieil homme inconnu s’éteint dans l’illusion
D’une parole vraie qui dit se souvenir
Et l’été se défile et commence à partir
« Nous étions disait-il plus qu’un peu de poussière »
Nous étions seuls pourtant même tous réunis
Nous étions la mesure d’un temps corrompu
Le jeu de dés pourrit sur un faux coin de table
Les lilas du jardin ont grandi en silence
Lorsque l’heure est venue de se quitter déjà
On a honte on regrette sans y croire encore
La radio s’égosille au croisement des routes
Elle appelle c’est vrai au voyage des cœurs
Comme ce livre noir appelle la ferveur
Dieu s’effrite sans rire il ne sait plus le faire
La rouille nous reste
Comme un appel comme une autoroute
A13 à treize ans tourments d’adolescence – on file à 100 à l’heure
C’est un père qu’on aime
Il dirait que bientôt on croirait à nouveau Il dirait qu’il y fait toujours beau Il dirait
Mais l’on n’écoute bien qu’un reflet de soi-même
Mais l’on n’écoute bien qu’un reflet de soi-même
Moi, j’aurais bien voulu
Voir plus de paysages,
Aimer une imprévue
Comme on aime un orage,
Et donner une main
Comme on tue les oiseaux :
Pour ça, pourquoi, pour rien.
Moi, j’aurais bien voulu
Voler d’autres voyages
Vers une irrésolue,
Comme on largue le large,
Et rendre mon destin
Comme on courbe le dos :
Pour ça, pour toi, pour rien.
Moi, j’aurais bien voulu
Me faire un peu plus sage
Au creux de tes yeux nus
Comme on frôle une image,
Et boire un peu de vin
Comme on boirait de l’eau :
Pour ça, pour moi, pour rien
- pour un presque défaut.
Moi, j’aurais bien voulu
Pour un dernier hommage
Te faire rire aux nues
Comme on baise un visage
Avant le grand chemin,
Avant mon dernier mot.
Le lilas bleu,
la lumière.
Tous ces instants
éphémères.
Quelques vers
gravés sur une tombe,
le silence,
et nos petites morts.
Une croix
dans l'ombre bleue ;
là, des serments
fleuris...
Il y a la douleur,
Un soleil en chute libre :
La terre tourne, tourne, tourne,
Vertiges…
« L’étoile trace mais ne tombe pas. »
J’ai mal, je me retourne dans mes draps
Sans trop savoir pourquoi :
Il y a la douleur
Et cette crise
De l’apesanteur.
« L’étoile trace. »
Ca fait comme une larme
Sur la trame
Des astres.
une étincelle fuse
de la pierre à silex
feu follet
dans la brume
bleue
qui me guide
incertain
le chemin de ton souffle
( j'avance à l'aveuglette )
La jeune fille aux fleurs,
Immobile et si pâle,
Repose sa candeur
Sur un lit de pétales.
Elle n’a que dix-sept ans :
Son sommeil est un rêve
Déposant, à ses lèvres,
La rosée du Levant.
Las, l’hiver est dehors
Qui déjà, sans attendre,
Fait oublier septembre
Et ses roses trémières
Coupées l’année dernière
En souvenir des morts.
Lasse lasse Sauvageonne
aux cheveux blonds comme sont blonds les blés
lasse lasse s’abandonne
a la folie des vagues molles
qui courent courent volent volent
ah la caresse du vent
Et d’un baiser comme on fait la moisson
fut cueillie la Sauvageonne
aux cheveux blonds comme sont blonds les blés
aux cheveux blonds qui sous la faux frissonnent
Et la folie des vagues molles
n’était plus la folie du vent
qui coure coure vole vole
dont la caresse affole
ses cheveux blonds comme le blond des blés
Et la folie des vagues molles
n’était plus lors celle du vent
mais bien plutôt celle des faux
qui courent courent volent volent
et tranchent tranchent l’or des blés
Lasse lasse Sauvageonne
aux cheveux blonds comme sont blonds les blés
lasse lasse s’abandonne
à la folie des vagues molles
et d’un baiser comme on fait la moisson
fut cueillie la Sauvageonne
ah la caresse du vent
Là se dresse le mur
sur lequel, immortelle, pèse la poésie
de M Reverdy.
Ce mur de vieilles pierres,
de béton, de plastique,
de silence ou de lierre,
oh ! le mur métaphysique !
sur lequel, immortelle, pèse la poésie.
- Mais, M Reverdy,
Tout mur est trop mur
pour être insurmontable…
( Je crois être mûr )
L’arbre d’hiver
Tend ses doigts décharnés
Vers cette mer,
Rageuse et empourprée,
Que tire un ciel à la dérive.
La neige tombe ;
Ici et là,
Couvre la tombe d’un soldat.
Une colombe
S’abandonne au givre…
Et la bruyère
Envahit les fossés
De cette terre,
Blessée,
Qui tangue comme un drapeau ivre.
Un jour, tu
m’embrasseras
et puis, tes
lèvres sur les miennes,
comme des étrangères,
feront à nos désirs
des fenêtres voilées.
On y verra le jour,
ce jour gris qui s’étale
dans un Eden atone…
et nos yeux, solitaires,
croiront cet avenir
de silence.
Alors tu voudras boire
doucement
le soleil qui se couche
à la brune ;
mais nos lèvres, scellées,
noieront ce destin
dans d’amères amours.