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Exégèse.
--> Ca me rongera toujours...

   Bien sûr, elle n’est pas si noire, cette nuit. D’autres l’ont été, d’autres seront plus épaisses encore, d’autres lui ressembleront. D’ailleurs, elle est aussi blanche. Clair-obscur. Une nuit noire et blanche. Et au petit matin, les doigts fatigués sur le clavier qui bougent, on ne sait trop pourquoi, qu’est-ce que ça peut bien faire ? Instinct de survie, je suppose.

  La première qualité de l’homme : son instinct de survie. La deuxième, sa facilité d’adaptation. La dernière : le goût du risque. Dieu, quel regard ! Qu’il soit une grenouille, un poisson rouge, un vieillard grisonnant ou le vide, l’absence, je sens tout le poids d’un flux surnaturel peser sur moi, tout à fait comme si Ses deux yeux m’observaient, immobiles, fixes, indéterminés.

  Assez de rythmes ternaires. Assez de métaphores. Ca doit être efficace à moindre frais, ça doit aller droit au cœur des choses sans détour, n’est-ce pas ? Assez de Dieu également, laissons-le là où il n’est pas et faisons mine de ne pas le voir là où il est – peut-être.

 

  « Ca me rongera toujours. »

 

  Superbe. Direct, égratignant, sincère, mais pas trop assuré parce qu’il y a ce « toujours » qui semble un peu hésitant. Le « ça » est particulièrement réussi. Tout l’inconnu qu’il dissimule, toute l’angoisse qu’il laisse affleurer dans le blanc du creux du C, et en tête de phrase, c’est bien de « ça » qu’il s’agit, lecteur, destinateur, c’est de « ça » !

  On peut passer sur l’allitération en [r], [j], c’est un procédé quelque peu subversif qui garde tout de même son efficacité presque mécanique, ça travaille sous la gorge… Mais il faut s’étonner, il faut buter sur une telle affirmation.

  D’abord, pas d’autre ponctuation que le point. L’émotion n’est pas lésée, au contraire : de colère, elle devient amertume ; de rage elle vire au cynisme, et le rouge vif des mots semble, par ce point final, s’affadir sur la langue. Dégoût.

  Ensuite, les guillemets…qui ne sont pas innocents non plus, ces guillemets, puisque sans eux la phrase n’a pas de raison d’être. Ouvrir, blanc, mot, blanc, mot, blancs, blanc, fermer. Les guillemets qui enferment l’affirmation ! « Ca » en devient étouffant, c’est de l’air vicié, du poison incolore…

  Enfin, si l’on passe rapidement sur l’emploi du futur que tous pourront apprécier à sa juste valeur, une dernière observation s’impose. Qu’est-ce qui est central dans cette phrase ? Quatre mots, apparemment, oublions la ponctuation. Quatre mots, donc pas de position centrale. Mais prêtons à l’auteur un goût développé pour la poésie et la versification, voulez-vous ? Sept syllabes… sept pieds. Ce qui est central dans cette phrase, c’est effectivement le « ge », c’est-à-dire le Je.

 

  C’est un cri du corps et de l’âme, un cri du moi qui se révulse. C’est mon cri…

 

  Ca me rongera toujours.

   

     

 

 

Déposé par dyangel, le Samedi 25 Décembre 2004, 11:56 pour la rubrique Prose.