Il est bientôt une heure. Je viens de rentrer chez moi, quelques mètres à pied à travers le brouillard, qui recouvre les champs environnants ce soir. Pourtant le ciel est clair, la Lune est haute et de nombreuses étoiles se sont peu à peu allumées là-haut.
J'écoute les Stereophonics, j'ai un peu froid, et je me sens vide surtout, si vide. Soirée banale avec de vieux amis, sale voiture branlante qui se traîne on ne sait comment jusqu'à la plage, pizza sur les galets, alors que la Lune orangée semble sortir des flots, et là notre salle familière, un peu enfumée, et son billard. Les bières traditionnelles, quelques-uns fument : bref, tout y est. Tout, sauf moi. Je n'y arrive pas, ce n'est plus comme avant. Bien sûr, eux sont toujours les mêmes, insouciants, enjoués, blagueurs, jeunes, tellement jeunes...
L'évidence est là : j'ai vieilli. Il a fallu peu de temps... Même si j'ai toujours été plus vieux, au fond, j'aimais bien ces heures passées ensemble à plaisanter en buvant tranquillement jusqu'à ce que la tête tourne et que les yeux piquent un peu, jusqu'à ce que certains s'endorment, quand les autres se rejoignent, forment le cercle, et discutent à voix basse en attendant que l'heure tourne. C'est fini, tout ça.
Sur la plage, je regardais vers le large en frissonnant. Quand il a fallu boire, j'ai bu, mais cela m'ennuyait. Une bière, et plus rien. Je me rendais compte que j'aurais cent fois préféré ma solitude habituelle, mon stylo et ma feuille blanche. Je me rendais compte que j'aimais ces amis, tout en les détestant.
I don't belong here.
"Je suis l'autre", disait Nerval en voyant son portrait. Je ne suis pas cet homme silencieux, gris, celui qui parfois vous surprend en se retirant quand tous rient, quand tous sont joyeux. "Je suis l'autre", celui qui rengorge, déborde, explose de mille couleurs et d'images éphémères, celui qui regarde, qui écoute et qui apprend, celui qui crée et qui Invente.
Misanthrope ? Non, j'aime l'être humain, ce potentiel d'âme et de création trop souvent inexploité.
Pourtant, il y a ce vide. Solitude, amie, tendre compagne, comme tu me pèses parfois ! J'ai besoin d'amour, moi aussi. Besoin de celle qui me sourira le matin, le Soleil dans ses cheveux défaits, de celle qui marchera près de moi sous les arbres, en silence, sa main lovée dans la mienne, de celle qui - mais existe-t-elle vraiment ? - aimera l'autre.
Alors j'attends. L'automne est doux ce soir, la mer est haute, on voyait un chaland quitter le port, glissant silencieusement devant le phare blanc.
Dyangel... the trick is to keep breathing.
Les réactions :
Re:
C'est un rêve, un Idéal. Les rêves sont souvent égoïstes, et qu'y a-t-il de plus sincère qu'un rêve ? Et pourtant, pourtant je donnerai tout ce que j'ai pour qu'Elle soit heureuse, pour un sourire sur ses lèvres et le calme dans son esprit...
Egoïste donc, certainement. Mais au sens ou l'amour de moi-même, c'est aussi et peut-être avant tout l'amour d'Elle.
Merci pour tes commentaires...
Peut-être que la solitude n'est qu'un dessein pour se forger un monde plus vaste, plus fou, plus "nous". Pour qu'on se pose un voyage plus ahurissant que toutes les alcools sur terre...
Ton texte pourtant, et comme j'aime quand tu nous parles de solitude, renferme cet agréable paradoxe d'être incompris, de désirer être seul, et pourtant, pouvoir tenir dans sa paume une autre paume un peu plus petite, froide peut-être, pour la réchauffer.
Merci pour ce texte amer, délicieux, posé...
Peut-être que tu vieillis, mais tu conserves encore ta poésie.
Ana -x0x0x-
Re:
Tu me comprends bien, oui :) Tu sais, si un jour je perds ce fragment de poésie dont tu parles... Je préfère ne pas y penser.
Merci pour tout...
Samuel.
Ookami
Mais peut-on reporter sur l'amour ce besoin de partager ses sentiments que l'amitié ne peut plus combler ? N'est-ce pas égoïste ?
Peut-être pas, finalement. Peut-être pas... Puisqu'on parle de partage.