Ce soir, la famille Martin au complet s'installe devant la télévision pour les informations de 20 heures. En effet, ils ont manqué le match de clôture de la coupe d'Europe et sont très inquiets de savoir qui de la Lettonie ou de la Suisse a remporté le titre. Il y a le partiarche débonnaire -et bedonnant- bien ancré dans sa quarantaine, sa femme qui occupe à elle seule tout un coin du canapé afin d'être à l'aise pour tricoter, l'adolescente délurée dont les mini-jupes trop courtes lui valent des remarques cinglantes du père de famille, et enfin le bébé délaissé qui pleure bien trop fort pour que les autres puissent entendre tout ce que dit la présentatrice. C'est alors qu'au lieu de l'information tant attendue, une nouvelle stupéfiante éclate : c'est la guerre au Moyen-Orient !

  M. Martin, le premier à comprendre les événements, pousse une exclamation horrifiée :
"Mon Dieu, le neveu de Sophie est justement partit hier pour Buenos Aires !"   
D'un geste, il fait taire sa fille qui s'apprêtait à remarquer insolemment que le jeune homme en question ne risque rien en Australie. Il faut comprendre la situation en détail.

  Lorsque les premières images des affrontements défilent sur le petit écran, Mme Martin étouffe un cri de terreur en réalisant pleinement tous les risques encourus par le jeune officier qui dirige les opérations depuis son quartier général enfoui à 30 mètres sous terre dans le pays voisin. Elle critique ensuite amèrement les nombreux hommes, femmes et enfants qui fuient leurs habitations et s'entassent dans les camps de réfugiés : elle resterait jusqu'au bout pour résister à l'envahisseur si elle était à leur place ! Sa jeune fille qui suit les images d'un oeil en se repoudrant consciencieusement ajoute :
"Le journaliste est mal coiffé."

  Enfin, la présentatrice passe à l'analyse économique et démographique des événements. Le vocabulaire se complique et, visiblement, toute la famille commence à s'ennuyer. Le père réprime un long bâillement et éteint le poste de télévision.
"C'est quand même terrible, la guerre." Conclut-il. Et sa femme d'ajouter :
"A table, tout le monde, pizza au menu ce soir."

dyangel.