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Insmonie.
--> rêves et philosophie.

   L’insomnie, quand elle prend son homme, le casse tout entier. C’est d’abord une attente, souvent interminable : c’est le temps suspendu alors même que l’on est conscient, les yeux grands ouverts dans un noir qui ne parait plus si profond. Là, les interrogations de toute sorte affluent. Les plus graves comme les plus futiles, elles surgissent entre lui et son sommeil -qu’il espère toujours atteindre- chargé de tout l’espoir vain de celui qui a déjà perdu la bataille.

   Pour peu qu’une fenêtre soit ouverte dans sa chambre, il se dresse et observe les étoiles comme s’il comptait des secondes. Et puis il regarde les chiffres phosphorescents de son réveil et comprend que, s’il est trop tard pour dormir, il l’est également pour veiller. Péniblement, il se sort donc de son lit et trouve refuge n’importe où : qui dans un fauteuil, écoutant les multiples échos de la nuit, qui à même le sol pour s’abîmer dans des réflexions philosophiques, qui enfin penché sur une feuille blanche, la couvrant inlassablement de caractères fatigués… Mais qu’est-ce que l’absence de sommeil, sinon celle de rêves ?

   Impossible de dormir. Installé à mon bureau, j’écoute le temps fuir vers l’infini. Un courant d’air frais se risque jusqu’à mon visage et attire mon regard vers l’extérieur. Devant mes yeux, une campagne endormie me nargue, hautaine dans sa quiétude. Un voile de nuages couvre-t-il à peine la Lune, que déjà elle se dégage et me fixe de sa pupille exsangue, défiante.
Mais j’aime à contempler ce paysage, par cette nuit estivale. Puisque je n’ai pu trouver le repos, je décide de faire appel à mes sens éveillés afin de savourer un moment d’exception. Debout à ma fenêtre, j’hume une fois encore ces courants parfumés qui, portés jusqu’à mes narines, n’attendent qu’un signe pour s’envoler vers d’autres horizons. Egoïste jusque dans ma solitude, il me faut les retenir encore ; et soudain enivré par l’obscurité des alentours, je ressens une explosion intérieure : on dirait le bonheur.
Oui, c’est une sensation échappant à tout contrôle que celle qui m’emplit lorsque, comme à présent, la race humaine s’efface devant la force originelle de la nature. En effet, les quelques lumières faiblissantes qui témoignent d’une occupation des hommes disparaissent irrémédiablement derrière les flux impalpables et pourtant si présents qui sillonnent les ténèbres.

   Mais qu’importe tout ceci ? Alors même que ces pensées m’habitent, je suis absent. Ailleurs, avec toi. C’est bien sûr ridicule : vous m’avez tous dit que l’amour n’existe pas, pas dans le sens que je veux lui donner, et qu’il me fallait vivre comme les autres. Mais vous n’avez pas su voir que si je vis comme vous, cela me tue, et que ma seule échappatoire est d’aimer différemment.
Comme les hommes sont faibles derrière leur carapace de civilisation, de société ! Il me semble que la parole est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes fières et de leurs fronts hauts. Car qu’est-ce qu’un mot, sinon une notion plus ou moins abstraite ? Or, on définit une notion par un assemblage d’autres mots. Le langage n’est donc qu’une pyramide de lettres en équilibre sur un fil : la plume de l’écrivain.
Et moi, qui en ce moment même ordonne ces dernières de telle façon que des images naissent des phrases et prennent tout leur sens pour vous, moi je m’en suis fait un jeu. Rien de plus agréable, en effet, que d’écouter courir l’encre bleue contre le papier froid. Et pourtant, si les langues n’existaient pas, si l’on avait pu se passer de la parole et de l’écriture, tout serait aujourd’hui plus simple ! Pas de dissimulation sans discours, pas de mensonges sans mots…juste l’éclat de vérité jaillissant entre deux regards qui se croisent. Peut-être aussi développerait-on une forme de télépathie, sans omission possible. Ainsi, nos existences se purifieraient dans un partage permanent avec l’autre. Même éveillé, je rêve…

   Vois-tu, j’aime à imaginer un monde meilleur pour tous, alors que celui-ci ne me demande rien ! C’est ma folie de croire qu’il est semblable à moi, ma folie de penser que quelqu’un entendra mon appel au secours mêlé au sien, au fil des phrases, le long de mes délires.
Il m’arrive de penser que le monde qui m’entoure n’est peut-être qu’une création fantaisiste de mon imagination, enfantée par des idées noires et destinée à mourir, dans une seconde qui n’en finit pas de s’écouler. Mais comment savoir ce qui m’attend au réveil, comment décider si je dois rester dans cet univers factice ou m’envoler vers une autre réalité ? Puis-je me fier au destin ?
La vie, je crois, est bien trop complexe pour qu’un simple poète l’explique. Ces choix qui toujours s’entrecroisent, ces éclairs de lucidité et ces aveuglements rageurs, quelle logique les entretient ? Il me semble au contraire que c’est la vie qui explique le poète, et que chacune des manifestations de ce dernier n’est qu’une facette –perdue dans une infinité d’autres- de ce que chacun possède au plus profond de son être.    

 

dyangel.

Déposé par dyangel, le Jeudi 8 Juillet 2004, 18:41 pour la rubrique Prose.

Les réactions :

Valaxaur
Valaxaur
08-07-04 à 22:10

insomnie

Tes insomnies sont plus belles que les miennes Dyangel. Il est vrai que pendant l'été, ou le printemps, les nuits sont remplies de vies latentes.Quand le temps si prête, j'aime sortir seul dans la nuit, chercher un coin sombre à l'écart du village, et m'étendre sur le sol, pour plonger mon regard vers la voûte céleste. Je m'y noie complètement, dans une sorte d'ivresse. Et lorsque les bruits furtifs de la nuit (petits rongeurs, renard en ballade), me rappellent que j'occupe leur territoire, je me décide à rentrer et à leur laisser la place.

Merci de nous faire partager tes rêveries de la nuit.

A bientôt.


 
dyangel
dyangel
09-07-04 à 07:23

Re: insomnie

  La nuit est une bonne source d'inspiration :) Merci des encouragements...

dyangel.